Dans notre série de partages autour des 20 ans de notre Communauté au Togo : voici la suite du témoignage de Caroline Stoll, où se disent la fidélité et l’œuvre de Dieu… Bon émerveillement !
Mon deuxième voyage, le plus long, a duré entre avril 2002 et août 2004. Deux années bien distinctes l’une de l’autre, avec en repère majeur le déménagement dans notre nouveau “chez nous”, en mai 2003.
Que dire de la première année ? la grâce des commencements ? C’était une année de découvertes, d’immersion, d’imprégnation…
Une année où nous étions hébergés dans la résidence de l’évêque, “sur la colline”, à vivre avec lui. En y repensant, c’était assez extraordinaire ! rien de tel que de vivre “chez l’habitant” pour entrer dans une culture. Alors, on n’a pas plongé réellement dans le mode de vie traditionnel africain : l’accueil et l’hébergement étaient dans un mode “adapté aux européens” que nous étions, et c’était très bien comme ça. Cette “colocation” interculturelle était propice à une belle immersion.
La vie dans la résidence de l’évêque était simple, voire austère, car dépouillée de loisirs. C’était déstabilisant pour l’occidentale que j’étais, cette absence de distractions. Mais sur la durée, c’était plutôt bon et favorable pour laisser germer ce qui devait grandir. Une mise à l’écart de tout ce qui pouvait nous détourner de notre mission… une sorte de temps d’initiation, pour accueillir des mains du Seigneur notre nouvelle mission, et non pas la “développer” telle que “fantasmée” dans mes à priori bienveillants de “gentille petite blanche”.
Autant le déracinement permet d’explorer nos limites, autant la fraternité permet de développer nos “potentiels”
Tout l’impact positif de la fraternité : je ne peux pas être moi si tu n’es pas toi.
Si nous nous connaissions déjà tous les quatre, de notre vie “d’avant en France”, on s’est découverts sous un autre jour, dans ce contexte si particulier, où nous n’avions “que nous”, d’une certaine façon. Il nous a fallu apprendre à “faire équipe”, à être fraternité, à quatre sur Sokodé, et avec Germain et Marie-Anne à Lomé.
C’était le temps de la construction de la maison, nous faisions régulièrement la route sur Lomé pour les besoins du chantier, pour récupérer du matériel, choisir des matériaux… Et également pour bâtir notre fraternité avec les Germains. Autant le déracinement permet d’explorer nos limites, autant la fraternité permet de développer nos “potentiels”. Germain et Marie-Anne, étaient tout spécialement vigilants et attentifs à nous, à relire avec nous les évènements, les projets, à déchiffrer avec nous le pas à pas du Puits de Jacob sur cette terre promise de Sokodé. Tout l’impact positif de la fraternité : je ne peux pas être moi si tu n’es pas toi. Et comme les Germains sont les Germains et qu’ils sont spécialement doués pour ça, ils nous poussaient dans ce que nous pouvions être/donner de meilleur : laisser vivre la grâce reçue ! Ils étaient les grands frères bienveillants qui nous aiguillaient, nous proposaient, nous expliquaient comment ou pourquoi faire certaines choses d’une certaine façon pour respecter la culture et les traditions locales, les règles de bienséance… comme il est facile de faire des bourdes “diplomatiques” quand on n’a pas la bonne coutume en tête !
Donc, notre première année, le temps des travaux de construction de la maison, nous
vivions dans la résidence de l’évêque ; nous étions chez lui, nous priions dans sa chapelle, et la plupart du temps, nous étions à sa table pour les repas.
Nous logions au deuxième étage de sa résidence, un appartement spacieux aménagé avec une grande salle commune et deux ailes séparées : les frères d’un côté, les sœurs de l’autre. Un grand balcon qui donnait une vue imprenable sur les collines vertes de la brousse
togolaise. Je me souviens avoir longuement observé le ciel un jour “d’orage”, en saison des pluies… le ballet incessant des éclairs sur tout l’horizon. Et le plus fou, c’est qu’on les entendait à peine : le bruit de la foudre étant largement recouvert par le fracas des pluies tropicales !!!
Nous avions fait sécher sur ce balcon des fruits de je ne sais plus quoi pour en faire un répulsif à insectes… ça marchait bien… pas que sur les insectes d’ailleurs (l’odeur était juste atroce !).
La chapelle est au premier étage. Une petite chapelle aux murs arrondis, lumineuse, avec la belle résonance du “tout carrelé”. Nous y avions rendez-vous tous les matins, très tôt, pour une célébration qui mixait l’office des laudes et l’eucharistie, avec Mgr Djoliba et les sœurs (des deux congrégations géographiquement voisines de rue), et le soir, pour l’office des vêpres. Nous animions à tour de rôle, avec les sœurs, les chants et autres psaumes des célébrations… Une belle plongée dans le “chanté” togolais, avec ses sonorités et ses rythmes. Le midi, tous les midis, nous nous retrouvions tous les quatre pour prier dans cette petite chapelle. Nous étions au rythme de la maison, et la messe ayant déjà eu lieu, le besoin de garder du temps pour le Seigneur en milieu de journée, a suscité ces temps de louanges et d’action de grâce de façon “naturelle”… Un temps pour se retrouver, pour chanter “nos” chants, laisser vivre quelque chose de notre spécificité, trouver nos marques… c’était bon, c’était “régénérant” pour moi… C’était “audacieux” car nous ne prenions pas le support des “PTP” (Prière du Temps Présent, le “petit” livre des offices de la “liturgie des heures”…) c’est parfois “sportif”, de durer dans la louange…
Cécile, Bertrand et Claude étaient sur le chantier tous les matins, à suivre l’avancée des travaux. Ils rentraient tantôt soucieux de ce qui n’avançait pas comme prévu, tantôt émerveillés pour “la belle et bonne surprise” du jour, et toujours reconnaissants pour ce qui avait été vécu/donné. La louange s’est révélée un “moteur puissant” pour dépasser les difficultés : fatigue, chaleur, usure du chantier, contrariétés, soucis matériels et financiers, problèmes en tous genre,… Tout était re-déposé dans les mains du Seigneur, livré à sa miséricorde. TTC ! Togo, Terre de Conversions ! nos seuls remparts : notre foi et la louange. Aujourd’hui, 20 ans après, il m’en reste le bon goût de “avant tout, louer Dieu”…
La louange s’est révélée un “moteur puissant” pour dépasser les difficultés
Aujourd’hui, 20 ans après, il m’en reste le bon goût de “avant tout, louer Dieu”…
En partageant la table de l’évêque, nous y avons croisé beaucoup de missionnaires, de bénévoles, d’acteurs nationaux ou internationaux du développement du pays, (essentiellement des francophones) que de belles rencontres ! que de diversités dans l’Eglise ! En France, on ne se rend pas compte combien l’Eglise a participé au développement des sociétés. C’est quelque chose d’acquis, et les états, les collectivités, les associations ont suffisamment pris le relais depuis pour qu’on ne se souvienne plus qu’à la base,
c’était souvent les œuvres caritatives de l’Eglise. (Certainement aussi pour laisser se vivre d’autres façons de faire…) …
Je crois que j’ai vraiment mieux compris la place et le rôle de l’Eglise “dans la société”, en la voyant à l’œuvre à Sokodé. Quelque chose de concret pour manifester la présence du Christ au monde, une présence tangible, qui répond aux besoins des gens, qui leur manifeste qu’ils ont de la valeur, … avec les moyens du bord… petitement, et par grâce…
Et puis vivre au quotidien avec un “Monseigneur” m’a aussi appris à vivre simplement une forme de hiérarchie avec laquelle je n’étais pas forcément à l’aise… comment faut-il saluer un évêque… “courbette” ? Baise-main ? on a le droit de le regarder dans les yeux ? Il y a un titre, et une fonction pour laquelle il convient de manifester une certaine déférence, non ? oui… et non. Derrière la fonction de l’évêque, il y a un homme, un frère, qui est déjà suffisamment isolé par ses responsabilités… avec Mgr Djoliba, c’était plutôt simple et familial. Bien sûr il y a eu des moments plus solennels, sérieux, voire graves, mais dans l’ensemble, j’ai plus le souvenir de moments conviviaux, simples, et d’un bon nombre de fou-rires. Au fil du temps une certaine complicité s’était installée : il aimait bien nous charrier quand il y avait une coupure de courant pendant le dîner et que nous courions allumer une lampe à pétrole : “ quoi ? tu ne sais plus où est ta bouche ? tu as besoin de lumière pour la retrouver ?”
Nous étions attentifs et bienveillants les uns pour les autres, avec Mgr Djoliba, dans le respect de chacun, de nos différences, et en bonne intelligence pour chérir, prendre
soin et maintenir ce lien qui nous unissait. La grâce était donnée, jour après jour… Comme la manne au désert… en mieux…
[à suivre…]
Caroline
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