Suite de notre série de partages autour des 20 ans de notre Communauté au Togo : Caroline Stoll, qui avec son mari Yvan chemine aujourd’hui vers un engagement en Communauté, nous livre le chemin qui l’a menée à partir à Sokodé en 2002… un chemin de grâces où se disent la fidélité et l’œuvre de Dieu… Bon émerveillement !
Quelle action de grâces demeure, 20 ans après ?
Je crois que même si ça fait déjà 20 ans, et que depuis, ma vie a bien changé ! il reste dans mon cœur une action de grâce “éternelle” pour mon passage dans cette aventure.
Quand j’y suis allée, j’avais un peu moins de 30 ans, et j’obéissais à l’appel des responsables de la communauté qui cherchaient un ou une quatrième personne pour compléter l’équipe…
Il parait que j’étais une candidate “valable” : jeune, célibataire, sans enfants, infirmière (donc sans grosses difficultés pour retrouver du travail à mon retour), et avec, dans mon bagage, une première expérience de séjour humanitaire (3 mois en dispensaire, à Louxor, en Egypte…) pour ma part, bien que le projet était connu depuis quelques temps et qu’on savait déjà qu’il y avait 2 “volontaires” pour accompagner Bertrand, l’idée d’en faire partie ne m’avait jamais effleuré l’esprit ! loin de là !!!
J’avais trop de bonnes raisons de ne pas y aller : mon horloge biologique me criait “non, non, non, n’y va pas!!!” : j’avais un vague projet/désir de mariage, et même si je ne connaissais pas de prétendant à l’époque, la perspective d’aller passer 2 ans au Togo ruinait toute chance de trouver “le bon” rapidement…
Le choc des cultures, sans avoir à être nécessairement violent, est réel, et nous révèle à nous-même nos propres vérités.
Le souvenir des difficultés rencontrées lors de ma première expérience en Egypte ne m’encourageait pas vraiment non plus. J’y avais vécu un “choc culturel” que je résume facilement : “l’exotisme, c’est bien pour faire du tourisme”. Sur du long terme, il y aura toujours un moment où on se demande ce qu’on est venu faire là… manger des goyaves ne remplacera jamais un fou-rire avec des amis… s’expatrier/sortir de sa zone de confort est un moyen très efficace pour faire le tour de ses limites et de ses besoins, et c’est en partie pour ça que j’avais voulu faire ce premier voyage humanitaire… le choc des cultures, sans avoir à être nécessairement violent, est réel, et nous révèle à nous-même nos propres vérités. Mon séjour à Louxor, c’était mon “koh lanta” à moi… donc justement, mon expérience à l’étranger me donnait plus de raisons de ne pas recommencer que de tenter l’aventure…
Ma famille n’était pas vraiment disposée non plus à me laisser repartir… quand je suis partie en Egypte, en octobre 1997, (sans smartphone et sans wi-fi, ça n’existait pas encore) un attentat au Caire venait d’avoir lieu, et c’était une très bonne raison pour mes parents pour que j’annule mon voyage. J’ai persisté… c’est difficile d’aller contre l’avis de ses proches… d’autant plus qu’en novembre, il y a eu l’attentat de Louxor… de plus, pendant mon absence, mon père s’est fait opérer… une intervention orthopédique, programmée, rien de bien grave ; mais ça n’enlève pas l’inquiétude… la distance et le manque de moyens de communication étaient très compliqués à gérer dans de telles conditions.
Aussi c’est dans un grand éclat de rire que j’ai accueilli la demande officielle de Bertrand de me joindre à ce projet. “Au secours !?!” Je venais de faire la RIVE (en 2000), et en étais ressortie avec un cœur “prêt à tout”, dans une confiance folle dans le Seigneur. L’Esprit Saint avait répandu dans mon cœur et dans ma tête une liberté nouvelle, et je me souviens être sortie de la Rive avec la notion de “chèque en blanc”… je signe ! “Seigneur, j’irai où tu veux que j’aille! même pas peur !”… mais bon là, concrètement, cette idée d’aller au Togo, je ne l’avais pas vue venir… ce sont mes peurs et mes appréhensions qui ont parlé en premier, comme souvent.
Et devant mes réticences, il m’a été proposé d’aller faire un premier séjour pour “mesurer” par moi-même si c’était une idée si bizarre que ça.
J’en étais ressortie avec un cœur “prêt à tout”, dans une confiance folle dans le Seigneur…
Seigneur, j’irai où tu veux que j’aille !
Cette idée d’aller au Togo, je ne l’avais pas vue venir… ce sont mes peurs et mes appréhensions qui ont parlé en premier, comme souvent.
J’ai donc fait un premier voyage “initiatique” de “un mois”, en février 2001, avec le Père Bertrand.
J’avais ma “check list” d’objections en poche, et si l’un des critères restait non résolu, c’était clair que je ne me lancerais pas dans l’aventure :
- C’est quoi les commerces sur place ? c’est bête à dire, mais quand on vient d’une société de consommation, ça a son importance. La peur du manque est universelle, et reste viscérale… ça vous a fait quoi, comme effet, les rayonnages vides pendant le premier confinement ?
- Y a-t’il des cyber-cafés ? En France, ça commençait à se développer, mais à Sokodé ? ça va être quoi le moyen le plus efficace/rapide pour être reliée à ceux que je laisse derrière moi ? En Egypte, je devais traverser toute la ville, pour me rendre sur une ligne internationale, depuis un hôtel, et l’appel me coutait les yeux de la tête !
- A quoi bon partir seulement à 4 ? qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire juste à 4 ? En plus, ni Cécile, ni Claude, ni moi n’étions des pointures “spirituelles” pour porter la mission autour du renouveau charismatique. ça n’avait pas beaucoup de sens à mes yeux… pour une part, j’étais togolo-sceptique… il y avait déjà tant à faire en France…
- Si mes parents ne sont pas d’accord, ou a minima “partie prenante”, je ne vois pas comment je pourrai leur faire revivre tout ça. J’avais besoin de leur bénédiction…
Et ce premier voyage a été étonnant ! D’abord, la rencontre avec Germain et Marie-Anne, leur amour et leur soif de la communauté ! la communion immédiate entre eux et Bertrand ! leur perception et leur regard sur le monde ! oh oui, cette rencontre a été déterminante dans mon discernement. Pour une part, ils m’ont éveillée à moi-même, à mes capacités. Ils ont eu confiance en moi, tout de suite, juste parce que j’étais communautaire (stagiaire à l’époque, donc, non engagée) et que si j’étais arrivée jusque là, c’est que le Seigneur avait besoin de moi, là, ici et maintenant, et cela leur suffisait ! un “pourquoi pas” s’est ouvert en moi par leur rencontre…
Cette rencontre a été déterminante dans mon discernement (…)
Ils m’ont éveillée à moi-même, à mes capacités (…) si j’étais arrivée jusque là, c’est que le Seigneur avait besoin de moi
Ensuite il y a eu Sokodé, au milieu du pays, à plus ou moins 5 heures de route de la capitale. C’était officiellement un voyage à la recherche du lieu d’implantation temporaire de la communauté, en attendant la construction de la maison communautaire sur le terrain de Kparioh… (oui, oui, à l’époque, on pensait que c’était à Kparioh qu’on allait construire) Donc nous étions à la recherche d’une maison ou d’un appartement à louer, dans Sokodé… Nous logions chez l’évêque, et le Père Patient, l’économe du diocèse, nous avait fait visiter différents logements susceptibles de correspondre à nos besoins.
Parallèlement, on a également visité ce que Sokodé comptait en commerces en tout genre… y compris quelques cybercafés…. me voici rassurée : les épiceries sont nombreuses, le marché est bien approvisionné, internet est arrivé jusque là… sur la route de Bassar, une station service a retenu mon attention à cause de sa boutique… pas tout à fait comme ici, la boutique, mais bon, la simple vue de brosses à dent et de nutella dans les rayonnages avait déjà quelque chose de “réjouissant”… critères 1 et 2 : validés !
Dans le programme de nos journées, en plus des visites matérielles, il y a eu des rencontres également. De belles et simples rencontres avec les gens du Renouveau, avec quelques-uns des prêtres du diocèse, avec les jeunes qui faisaient le pèlerinage de carême, à Aledjo (le coup de soleil de ma vie !)…
Tant d’approches de cœur à cœur à se sentir accueillis, à pressentir le possible de cette implantation… Une, décisive dans mon cœur, au foyer de charité d’Aledjo. Ils commençaient les préparatifs de la fête des 40 ans de leur implantation. Certains pionniers étaient encore là. Le récit de leurs débuts, à… 4…. et nous, nous étions là, 40 ans plus tard, à contempler toute la Vie qui se donnait en ce lieu… par les retraites, par leur dispensaire… tout cela avait été rendu possible par leur oui… le même “fiat” que Marie… Comment cela va-t-il se faire ? Comment cette énorme structure du foyer de charité d’Aledjo a vu le jour ? par grâce ! parce que désirée du Seigneur ! Nul doute qu’il y a eu beaucoup de sueur, de mauvaises surprises, et de choses compliquées à franchir, mais aussi des grâces, et aujourd’hui, c’est ! Les encouragements du Père Léon Marcel, leur père fondateur, à “ne pas avoir peur de commencer petit et à faire confiance à l’Esprit Saint” ont achevé de me séduire. Boum ! critère 3 balayé !
Tout cela avait été rendu possible par leur oui… le même “fiat” que Marie… Comment cela va-t-il se faire ? Comment cette énorme structure du foyer de charité d’Aledjo a vu le jour ? par grâce ! parce que désirée du Seigneur !
Au fur et à mesure de nos visites et rencontres, et devant la réalité compliquée du terrain de Kparioh, toujours en litige pour son titre de propriété, et vu qu’aucun des logements visités ne correspondait pleinement à nos critères, une nouvelle réalité s’est imposée : et s’il fallait plutôt construire une maison communautaire, là, à Sokodé ? quelque chose d’adapté à nos besoins, à notre mission… quelque chose de “pas trop provisoire”, en fait… Le discernement était lancé, et une décision devait être prise rapidement. Notre séjour arrivait à son terme, et techniquement, le Puits de Jacob était attendu depuis déjà quelques années… Il s’agissait de ne pas multiplier les voyages “préparatoires”, et le litige de Kparioh risquait de durer… Curieusement, cette nouvelle idée de construire, plutôt que de louer, avait quelque chose d’exaltant… alors que celà apportait aussi son lot de tracasseries ! Un changement de projet de ce genre nécessite à présent de chercher un terrain, et un budget… et là ! bim ! Mgr Djoliba nous propose un terrain dont il a déjà le titre de propriété, ce qui nous assure de ne pas s’enliser dans un nouveau litige. Visite du terrain, l’emplacement est facile d’accès, il y a du potentiel : l’élan est donné. Quant à la question du financement, c’est dans les mains du Seigneur : si ça doit se faire, ça se fera !
Il me reste dans le cœur un temps fort de ce voyage. Je ne saurai plus dire à quel moment précis du voyage et des évènements cela s’est produit, après quelle bonne ou mauvaise nouvelle, mais je me souviens d’un temps de prière, à trois, avec Marie-Anne et Bertrand, dans la petite chapelle de la résidence de l’évêque, à Sokodé, où la parole de Dieu qui m’habitait, c’était Matthieu 6, 27-34 : “les oiseaux du ciel, les lys des champs… cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît“. La confiance en la Providence… plus qu’un fil rouge : une nécessité… une Parole de Vie qui me remet en route régulièrement… et qui m’a touchée ce jour-là au point de me convertir à cet appel à venir au Togo… il peut se passer des choses extraordinaires dans nos vies quand nous prenons au sérieux la Parole que le Seigneur nous adresse.
“Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît” Mt 6, 33
Il peut se passer des choses extraordinaires dans nos vies quand nous prenons au sérieux la Parole que le Seigneur nous adresse…
Au retour de ce premier voyage, il restait deux “problèmes” à régler : mes parents, et mon horloge biologique. J’ai bien vu, quand j’ai annoncé à mes parents : “peut-être que je pourrais faire partie de la première équipe qui part au Togo ?”, que ça ne les emballait pas franchement. Et le mot est faible… étant majeure et autonome financièrement, je n’avais pas besoin de leur autorisation mais je n’aurais pas aimé qu’on se fâche pour ça. Et c’est là qu’on voit que le Seigneur est très fort. Dans leur paroisse avaient été envoyées des sœurs de Ribeauvillé, pour soutenir le curé et ses équipes dans leur mission pastorale ; je ne sais plus combien de temps elles sont restées, mais elles étaient là, au bon moment, au bon endroit. L’une d’entre elles avait séjourné à Kara (au nord de Sokodé) ainsi que dans différents pays africains quand elle était plus jeune, et s’était liée d’amitié/de fraternité avec ma mère. Aussi, quand ma mère, très assombrie par cette “mauvaise nouvelle que sa fille allait peut-être repartir pour plusieurs années au Togo”, lui a confié que ça la chagrinait beaucoup, Sœur Françoise a su délicatement et joyeusement lui transmettre la paix dont elle avait besoin pour accueillir librement mon choix. Cela a pris un peu de temps, mais au final, l’enthousiasme et la joie de cette sœur, quand elle évoquait ses années en Afrique, a fini par convaincre ma mère que, limite, c’était un crime de m’empêcher d’y aller ! bam ! critère 4 réglé ! Pour moi, ce retournement de cœur était aussi clairement un signe qui confirmait ma place à Sokodé. Et puis, suggérée par Germain et Marie-Anne, il y avait/aurait la possibilité qu’ils viennent sur place, voir et goûter par eux même mes nouvelles conditions de vie, et ça, ça a fait mouche aussi : le projet d’un voyage familial à Sokodé a pris forme…
Pour ce qui est de ma question personnelle et propre au célibat, je n’avais aucun fantasme de rencontrer l’homme de ma vie au Togo. Mon choc culturel “égyptien” avait clairement fait la part des choses et il était clair, du coup, que partir 2 ans, ça voulait dire “prolonger” mon célibat de 2 ans. “Confiance… Mon Père sait ce dont j’ai besoin… Cherchez d’abord le Royaume de Dieu… et tout cela vous sera donné en plus”… j’ai mis ma foi dans le Seigneur, et ai fait une sorte de “deal” avec Lui : “ Ok, je te donne ces deux années. et je te les donne avec joie, parce que je crois que ces deux années, elles ne seront pas perdues, et qu’elles font partie de mon histoire sainte. Je crois que tu m’appelles à Sokodé, et je vais aller faire de la fraternité là-bas, et construire une jolie maison… je te fais confiance. S’il-te-plait, prépare nos cœurs, le mien et le sien, et trouve-moi un gentil mari”…
J’ai mis ma foi dans le Seigneur :
“Je te donne ces deux années, et je te les donne avec joie.
Je crois que tu m’appelles à Sokodé, et je vais aller faire de la fraternité là-bas, et construire une jolie maison…
Je te fais confiance.
S’il-te-plait, prépare nos cœurs, le mien et le sien, et trouve-moi un gentil mari”…
Je n’avais plus aucune raison valable de refuser d’y aller. Le Seigneur avait ouvert un chemin dans toutes mes réticences ; comment/pourquoi refuserais-je de le suivre, ce chemin ? c’est comme ça que j’y suis allée : humblement, dans la reconnaissance et dans la confiance. Et je n’ai pas été déçue du voyage ! ni du retour…
[à suivre…]
“la foi est une façon sûre de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas.”
Hébreux 11, 1
Caroline
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