L’Eglise dont je rêve : une église qui guérit

Nous rêvons tous d’une Eglise renouvelée, qui soit à l’image du Christ. Enrica Zanin, alliée, au gré de ses voyages, rêve d’une Eglise nouvelle à partir d’églises bien réelles : ces édifices anciens, bâtis par des hommes et des femmes, que nous disent-ils de l’Eglise? Le rêve se poursuit à Sienne.

Il n’y a ni portail, ni clocher, ni façade de marbre à Santa Maria de la Scala, mais juste un grand bâtiment en briques rouges et une petite porte. On n’a pas vraiment le sentiment d’entrer dans une église, mais plutôt dans une grande salle, très lumineuse et très propre, aux murs blanchis et au sol carrelé.

Seulement en avançant on découvre, relevé par quelques marches, un autel et, derrière l’autel, une fresque gigantesque.

L’abside est monumentale : en haut, depuis les cieux lumineux, Dieu en personne envoie sa lumière dorée, en bas, le Christ sort du tombeau, et sa silhouette en bronze noir semble absorber toute la clarté céleste.

Clairement, ici, chaque dimanche on fête la Résurrection : le prêtre, devant l’autel, célèbre le rite que vient manifester l’éclat qui descend de la fresque et l’ombre qui se relève du tombeau. 

Mais si on se rapproche de l’autel, d’autres images apparaissent : au milieu, une vaste piscine, d’un côté, Jésus s’avance et fait signe à un homme : « lève-toi, prends ton lit et marche ! ». De l’autre, voici le paralytique, désormais débout, incrédule, qui prend sur son dos, son lit, sa couverture et ses béquilles. C’est le miracle de la piscine de Bethesda (Jean 5, 1-18).

La clarté qui descend des cieux vient sur le paralytique, qui en est guéri. Mais cette lumière n’est pas que pour lui : elle éclaire une foule de personnages, qui peuplent les bords de la piscine.

Des paralytiques, des lépreux, des boîteux et toute une foule d’êtres pâles, maigres, alités, altérés par la maladie. Tous regardent avec étonnement : par un effet de trompe-l’œil, nous avons aussi l’impression de faire partie de cette foule qui contemple de près le miracle.

Et pour cause : l’église se trouve dans l’hopital de Santa Maria della Scala, les fidèles étaient essentiellement les malades et les soignants qui séjournaient à l’hôpital. Tous les jours ils venaient prier dans cette église pour contempler le miracle.

Mais au lieu de montrer derrière l’autel, comme de coutume, une image dorée et fastueuse du Christ en gloire, des saints ou des anges, on découvre ici une foule de malades.

La grande lumière qui descend du ciel illumine ce viellard qui cherche péniblement à se relever de sa charrette

… cet homme pâle et faible qu’un autre porte péniblement sur son dos, cette mère aveugle, escortée de son enfant

.. cet adolescent, allongé douloureusement en face, sur le bord de la piscine ou cet enfant malade, dans les bras de sa mère. Seul les pharisiens détournent les yeux : ils ne voient pas la lumière, ils ne voient pas les malades – le miracle reste invisible à leurs yeux.

Clairement, Jésus n’est pas venu pour les bien-portants, mais pour aimer tous les malades qui peuplent ce tableau et qui occupaient les bancs de cette Eglise. 

Tous reçoivent la lumière, mais un seul est guéri : ou plutôt, un seul manifeste les signes visibles de la guérison.

En regardant de près, même la statue du Christ ressuscité porte les traces de sa souffrance : son corps décharné est couvert de blessures et paraît chanceler, sans le soutien de la croix. La réssurection n’efface pas la maladie, mais invite chacun à se tourner vers la lumière, à regarder vers Jésus.

Le miracle n’est peut-être pas là où on le voit : moins dans les pas du paralytique, qui quitte la scène chargé de ses hardes, que dans le cœur émerveillé de ceux qui regardent : les malades, leurs parents et les soignants. 

Cette église n’est pas faite pour les justes, qui portent bien repassés les habits du dimanche, mais pour ceux qui sont familiers de la souffrance et qui n’ont pas peur de se montrer comme il le sont – mal en point, mal habillés, pauvres – et de révéler ce qu’ils désirent – voir la lumière, être sauvés. C’est pour eux que sont réservées, dans le cœur de l’église, les meilleures places. 

Santa Maria della Scala nous invite à regarder en face, avec le Christ, la maladie, la laideur, la pauvreté. Jésus n’est pas seulement celui qui sauve, mais celui qui souffre avec moi, n’est pas seulement venu pour enseigner, mais pour guérir.

Comme les malades qui, depuis le XIIIe siècle, viennent en cette église, je pourrai alors avancer vers l’autel, dans ma faiblesse, avec mes frères, et croire au miracle : «Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir» (Luc 5, 13)

Enrica Zanin


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